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Prix Nobel de physiologie ou de médecine 1999
NOBELFÖRSAMLINGEN KAROLINSKA INSTITUTET
THE NOBEL ASSEMBLY AT THE KAROLINSKA INSTITUTE
11 octobre 1999
L'Assemblée Nobel de
l'Institut Carolin a décidé ce jour
d'attribuer
le prix Nobel de physiologie ou de
médecine 1999 à
Günter Blobel
pour la découverte concernant
"les signaux internes des protéines commandant leur
transport et leur localisation dans la cellule"
Résumé
Dans nos cellules se forment
constamment une multitude de protéines essentielles
à la vie, qui doivent être transportées hors
de la cellule, ou vers ses diverses composantes, les
organites. Comment ces protéines nouvellement
formées peuvent-elles franchir l'enveloppe qui entoure
les organites, la membrane, et comment sont-elles
acheminées vers la destination voulue dans la
cellule?
La réponse à ces questions
a été apportée par le lauréat du prix
Nobel de physiologie ou médecine de cette année,
Günter Blobel, chercheur en biologie cellulaire et
moléculaire à l'Université Rockefeller de
New York. Dès le début des années 70, il a
découvert que les protéines nouvellement
formées sont dotées d'un signal propre qui est
déterminant pour leur permettre de se diriger vers la
membrane du réticulum endoplasmique et de la
traverser. Au cours des vingt années suivantes, il a
élucidé en détail les mécanismes
moléculaires qui commandent ces processus. Il a
également démontré qu'un adressage similaire
dirige les protéines vers les autres organites des
cellules.
Les principes découverts et
décrits par Günter Blobel se sont
avérés universels ; ils opèrent de la
même manière dans les cellules des levures, des
plantes et des animaux. Diverses maladies congénitales
de l'homme sont dues à des dysfonctionnements de ces
signaux et de ces mécanismes de transport. Les acquis
des recherches de Günter Blobel ont aussi
contribué à rendre plus efficace l'utilisation
des cellules comme « usines à protéines
» pour produire des médicaments importants.
Une multiplicité de fonctions
importantes
Les quelque 100 000 milliards de cellules qui constituent
l'organisme d'un adulte se composent de compartiments, les organites,
qui sont renfermés dans des membranes. Les organites sont spécialisés
dans l'accomplissement de diverses fonctions. Ainsi, le noyau de la cellule
contient le génome, d'où il commande le fonctionnement
de la cellule, les mitochondries sont des centrales énergétiques,
et le réticulum endoplasmique assure avec les ribosomes la fabrication
des protéines.
Chaque cellule contient environ un
milliard de protéines. Ces divers types de
protéines ont une multitude de fonctions importantes,
qu'elles accomplissent en divers endroits de la cellule.
Certaines, par exemple, sont les matériaux de
construction du squelette cellulaire, tandis que d'autres
agissent comme des enzymes et participent à des
réactions chimiques spécifiques. La cellule est
le siège d'un processus continu de destruction et de
synthèse des protéines. Leurs éléments
constitutifs sont des acides aminés. Une protéine
peut comprendre d'une cinquantaine à plusieurs
milliers d'acides aminés, assemblés en longues
chaînes repliées.
Comment les barrières
peuvent-elles être franchies?
On s'est donc longtemps demandé comment
ces grandes protéines peuvent franchir les barrières étanches
que constituent les membranes lipidiques des cellules. Il y a quelques
dizaines d'années, les chercheurs ne savaient pas davantage comment
les protéines nouvellement formées sont dirigées
vers le site qu'elles doivent occuper dans la cellule pour y remplir
leurs fonctions.
Günter Blobel allait parvenir
à résoudre ces deux énigmes. Vers la fin des
années 60, il était entré au
célèbre laboratoire de biologie cellulaire de
George Palade à l'Institut Rockefeller de New York,
où des chercheurs étudiaient depuis une vingtaine
d'années la structure de la cellule et les principes
de l'exportation des protéines nouvellement produites
hors de la cellule. C'est pour ces travaux que George
Palade a obtenu le prix Nobel de physiologie ou
médecine en 1974 (avec les chercheurs belges Albert
Claude et Christian de Duve).
« L'hypothèse du signal
»
Les recherches de Günter Blobel
s'inscrivaient dans la tradition du laboratoire de George
Palade. Il étudiait en particulier comment une
protéine nouvelle qui doit sortir de la cellule est
guidée vers un réseau de membranes, le
réticulum endoplasmique. En 1971, il formulait une
première version de « l'hypothèse du signal
», suggérant que les protéines qui doivent
quitter la cellule contiennent un signal propre qui les
guide dans leur acheminement vers la membrane et sa
traversée.
En 1975, d'élégantes
expériences biochimiques lui permirent de
préciser les diverses phases de ce processus. Le
signal proprement dit se compose d'un certain nombre
d'acides aminés, disposés dans un ordre
déterminé et faisant partie intégrante de la
protéine. Günter Blobel avançait
également l'idée que la protéine traverse la
membrane du réticulum endoplasmique par un canal (fig.
1). Dans les vingt années suivantes, il a exploré
pas à pas, avec ses collaborateurs, le détail de
ces processus au niveau moléculaire. Petit à
petit, on a pu démontrer ainsi la justesse et
l'universalité de l'hypothèse du signal ; ces
processus sont en effet les mêmes pour les cellules
des levures que pour celles des végétaux et des
animaux.
L'adressage vers les
organites
En collaboration avec d'autres groupes de chercheurs, Günter
Blobel a pu ensuite établir rapidement que des signaux internes
similaires commandent le transport des protéines vers d'autres
organites. Sur la base de ses travaux, il a formulé en 1980 le
principe général de l'existence de « signaux topogènes » inhérents
aux protéines, qui dirigent celles-ci vers divers sites de la
cellule et assurent leur insertion correcte dans les différentes
membranes. Le bien-fondé de ces hypothèses a été amplement
vérifié puisque l'on connaît aujourd'hui toute une
série de signaux qui orientent les protéines vers différentes
parties de la cellule (fig. 2). Ces signaux peuvent se comparer aux étiquettes
qui permettent aux bagages des voyageurs d'arriver au bon aéroport,
ou à une lettre de parvenir à son destinataire. En fait,
ces « séquences-signal » consistent en diverses
combinaisons d'acides aminés, souvent placés comme une
queue à une extrémité de la protéine, parfois
plus à l'intérieur.
La portée des
découvertes de Blobel
Les découvertes de Günter
Blobel ont été d'une signification majeure pour la recherche
moderne en biologie cellulaire. Quand une cellule se divise, elle doit
produire une énorme quantité de nouvelles protéines
et constituer de nouveaux organites. Une localisation correcte des protéines
est une condition nécessaire pour que la cellule puisse se structurer
et fonctionner normalement. Les résultats des recherches de Blobel
ont fait progresser substantiellement la compréhension des mécanismes
moléculaires qui sont à la base de ces processus. La connaissance
des signaux topogènes a permis aussi de mieux comprendre toute
une série de mécanismes importants au plan médical.
Notre défense immunitaire, par exemple, fait largement appel à de
tels signaux, notamment pour la production d'anticorps.
Les recherches de Blobel permettent
par ailleurs d'expliquer les mécanismes
moléculaires qui induisent l'apparition de diverses
maladies congénitales. L'altération d'un signal
de triage dans une protéine peut entraîner un
mauvais positionnement de la protéine dans la cellule.
Un exemple de ces affections congénitales est
l'hyperoxalurie primitive, qui se manifeste entre autres
par des calculs rénaux dès le jeune âge.
Certaines formes congénitales
d'hypercholestérolémie sévère
proviennent aussi du mauvais fonctionnement des signaux de
transport. D'autres maladies congénitales, par exemple
la mucoviscidose, sont dues à ce que les
protéines n'arrivent pas à bonne destination.
Les applications futures
Dans un proche avenir, nous connaîtrons
en détail toutes les protéines de l'organisme humain.
L'étude des signaux topogènes devrait alors prendre encore
plus d'importance. La plupart des protéines contiennent en effet
un ou plusieurs signaux topogènes, dont la connaissance permettra
de mieux comprendre l'évolution des maladies et de mettre au
point de nouvelles méthodes de traitement. Aujourd'hui déjà,
on produit des protéines à usage médical, par
exemple l'insuline, l'hormone de croissance, l'érythropoïétine
et l'interféron, généralement en utilisant des
bactéries. Mais pour que certaines protéines humaines
soient efficaces, il faut qu'elles soient élaborées par
des cellules plus complexes, par exemple des cellules de levures. Le
génie génétique permet d'insérer dans les
gènes des protéines que l'on veut produire les séquences
d'ADN qui contrôlent les signaux de transport. Les cellules porteuses
de ces gènes modifiés peuvent alors devenir de performantes
usines à protéines. Une meilleure connaissance des mécanismes
de l'acheminement des protéines vers divers compartiments de
la cellule donne aussi la possibilité de mettre au point de
nouveaux médicaments ciblés sur un type déterminé d'organites
en vue de corriger diverses défectuosités. La possibilité de
reconstruire de manière spécifique des cellules sera également
d'une grande portée pour les thérapies cellulaires et
génétiques de l'avenir.
Fig. 1 « L'hypothèse du signal ». Les protéines qui doivent être exportées de la cellule sont synthétisées par des ribosomes accolés au réticulum endoplasmique. L'information génétique du génome (ADN) est transmise à l'ARN messager (ARNm), qui contrôle ensuite l'assemblage des acides aminés constituant la protéine. D'abord, il se forme un peptide de signalisation, qui est un élément constitutif de la protéine. A l'aide de protéines ligands, celui-ci dirige le ribosome vers un canal de la membrane du réticulum endoplasmique. La chaîne de la protéine en croissance pénètre ensuite dans le canal. Le peptide de signalisation se scinde et la protéine achevée est libérée dans le réticulum endoplasmique, puis exportée de la cellule. |
Fig. 2. Exemple de transport dirigé à l'aide de signaux topogènes. La figure donne une représentation schématique d'une cellule, avec quelques-unes de ses composantes, les organites (le chloroplaste est un organite qui se trouve dans les cellules végétales, mais non dans les cellules animales). Les organites ont des fonctions spécialisées et sont entourés de membranes. Les protéines nouvellement formées sont pourvues d'« étiquettes » spécifiques, des séquences-signal, grâce auxquelles elles peuvent être acheminées vers le site approprié de la cellule et traverser les membranes des organites. Les séquences-signal se composent d'un certain nombre d'acides aminés, souvent localisés à une extrémité de la protéine. |
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